Il faut avoir une vision d'ensemble de la reprise et pouvoir en évaluer globalement la valeur
La première fois que j'ai vu le fameux étalon Rohdiamant en compétition, je n'officiais pas dans le jury mais j'étais alors dans le rôle de chef d'équipe des cavaliers français. Quelle déception en regardant la détente. Il était beau cet illustre fils de Rubinstein, magnifique dans sa robe baie foncée, une telle tête avec de toutes petites oreilles mais les allures : bof ! Rien d' extraordinaire... Je l'ai suivi quand il est parti pour le rectangle, je me suis installée dans la tribune réservée aux cavaliers pour en avoir le cœur net.
Je voulais comprendre comment il était possible que ce cheval qui m'avait semblé si normal puisse tourner aux alentours de 72 ou 73%. La meilleure façon était de mettre les notes moi même mentalement. L'entrée : bien droit sur la ligne. L'arrêt : carré. Le départ directement au trot. Je me dis « allez je mets 8 ». La diagonale : je mets 7. Je me mis a égrener les notes dans ma tête 7,7,7,7... Ah, ici peut être un 8. Rien d'extra mais bon, assez bien. A la fin du trot j'avais des 7 partout, un 8 a l'entrée et un autre a l'arrêt reculer. Je réalisais que ma moyenne du trot était donc a deux points au dessus de 70%.
Je continuais l'exercice sur le tour piaffer/passage. Même constatation. Des 7 avec une régularité d'horloge. J'étais donc toujours au dessus de 70%. Je poursuivais l'exercice au galop. Des 7 jusqu'à l'arrêt final 8. Oh, peut être ici ou la un autre petit 8 et 7,7,8,8 dans les notes d'ensemble. La reprise avait été si stable et si homogène malgré tout. Avec ces sept ou huit 8 dont deux à coefficient, le tour était joué : on arrivait a 72%.
Depuis cette expérience, je ne manque jamais (lorsque je fais un cours pour des juges et quel que soit leur niveau) d'expliquer le fait qu'un doit apprendre à prendre conscience de la moyenne courante qu'il donne à des instants intermédiaires de la reprise afin de ne pas être surpris par sa propre note a l'annonce finale de celle-çi. Je rassure aussi toujours les cavaliers en insistant sur le fait que l'on peut être compétitif mais sans avoir un cheval extravagant. Si le cheval a un bon travail de fond, que la base est maîtrisée, qu'il est stable et que la présentation en épreuve est exemplaire, alors il est possible d'avoir des 7 à chaque figure !
(dessin Heike Landherr)