Quel regard mettre sur le jugement ?
Afin de tirer pleinement profit de la compétition et des appréciations sur les protocoles, le cavalier doit appréhender le jugement non comme une remontrance mais comme un enseignement constructif s’ajoutant à l’entrainement quotidien.
Le juge est un intervenant extérieur ponctuel dont l’analyse vise à améliorer la performance en complétant, avec un oeil neuf, le duo cavalier/entraineur. Grâce à son expertise, il guide le compétiteur vers une équitation moderne, alerte lorsqu’une mauvaise voie est empruntée et encourage si les efforts sont avérés. Les compétitions ne sont autres que des balises parsemant le parcours du cavalier avec comme objectif l’évolution optimale des résultats.
Maribel Alonso, juge internationale 5* originaire du Mexique d’ores et déjà nommée présidente des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016, a accepté d’éclaircir avec nous le rôle et la place du juge dans la discipline du dressage. Ancienne représentante de l’Amérique Latine au sein de l’IDOC (International Dressage Officials Club) et membre du Comité de Dressage de la Fédération Equestre Internationale, Maribel Alonso intervient à la fois comme juge et déléguée technique lors des plus prestigieuses rencontres mondiales : Jeux Olympiques de Londres 2012, Championnats d’Europe de Herning 2013, Jeux Equestres Mondiaux de Caen 2014.
Être juge
Ancienne cavalière et entraineur de dressage, Maribel insiste sur la nécessité d’avoir un bagage technique conséquent pour devenir juge. Pour Isabelle Judet, juge internationale 5* présidente des Jeux Equestres Mondiaux en Normandie et ancien entraîneur national de l’équipe de France, «il y a deux aspects illustrant la compétence du juge : maitriser la manière dont les figures doivent être exécutées et savoir appréhender les défauts les plus fréquents. De manière plus raffinée, le juge doit distinguer un cheval qui évolue de manière juste dans son travail de base et celui qui évite l’effort dans la réalisation des mouvements».
Le juge dispose d’une palette de connaissances dont l’expérience à cheval est l’un des plus précieux atouts puisqu’elle permet une appréciation plus pointue et des conseils plus adaptés. Lorsqu’il porte également la casquette d’entraineur, le juge réalise que l’évolution des chevaux est constante : il ne peut donc y avoir aucun préjugé en appréhendant une reprise.
«Mon expérience personnelle à cheval me permet d’avoir plus d’empathie vis à vis des cavaliers», admet Maribel. Si le juge doit être impartial dans sa notation, il peut malgré tout faire preuve de sensibilité : un mauvais pourcentage pourra être accompagné d’un commentaire encourageant : «joli cheval, malheureusement trop de fautes aujourd’hui», de quoi maintenir la motivation du cavalier même lors d’une contre performance.
En faisant preuve d’indulgence, le juge pourra émettre des commentaires positifs qui vont aider le compétiteur à mieux appréhender l’échec en le transformant en une opportunité d’apprentissage. Le juge et le cavalier suivent finalement un chemin bien comparable : en perpétuelle évolution, ils doivent tout deux faire preuve à chaque instant d’une grande humilité. «Le juge décroche sa cinquième étoile après avoir démontré ses capacités pendant des années. Malgré tout, il ne cesse jamais d’apprendre ! Il doit à tout moment rester ouvert à de nouvelles perspectives et ce quel que soit son niveau», confesse Maribel.
Le juge et le travail en équipe
«Le juge doit avoir l’esprit d’équipe et accepter de fonctionner en groupe», rappelle Maribel. Caractère, appréciation technique, historique, affinités... autant de particularités qui rendent chaque individu unique. Pourtant, les différentes moyennes attribuées par les juges vont être additionnées pour ne constituer plus qu’un seul pourcentage final. «Le nombre de juge officiant sur une épreuve à un impact direct sur le résultat définitif. Le plus nombreux nous sommes autour de la carrière le moins nos notes individuelles pèsent dans la balance», explique Maribel.
«Juger à plusieurs permet d’échanger, malgré d’éventuelles différences, ce qui fait avancer, force à rester ouvert et à se remettre en question». Isabelle Judet souligne qu’«il peut y avoir des personnalités ou des appréciations très différentes, cela fait partie du jeu. Il se peut qu’un juge soit plus dominant que ses collègues. Le risque : inhiber certains membres du groupe et affecter la décision collégiale. C’est une situation que l’on retrouve parfois dans le jugement des jeunes chevaux si un juge plus expérimenté ou plus autoritaire impose sa volonté. Il faut apprendre à partager ses impressions et à défendre ses idées tout en restant flexible et à l’écoute. C’est un équilibre très fragile à trouver entre la confiance en soi et la remise en cause permanente».
Maribel Alonso complète «juger les jeunes chevaux peut être très amusant si le groupe partage une même vision et que tout le monde est content d’échanger, de ‘négocier’ la note finale. Il ne faut pas chercher à imposer son opinion mais plutôt à exposer clairement son point de vue. Le tout est d’avoir des arguments solides exposés dans des termes simples afin que l’échange soit concis et sain pour tirer rapidement des conclusions».
Les différences de scores et le jugement humain