« La découverte des changements de pied au temps, figure de haute école apparue au XIXe siècle, est attribuée à François Baucher qui les a initialement présenté au cirque ».
Exécutés au galop au nombre de quinze dans le Grand Prix, ils correspondent à une succession de posers latéraux avec un temps de suspension en l’air, d’où le terme anglo-saxon de flying change traduit littéralement par changement volant.
Il n’existe pas de règle concernant l’âge propice à l’apprentissage des changements de pied au temps. « Tout dépend du dressage du jeune cheval et de l’expérience du cavalier. Vers six ans, le changement de pied en l’air devrait être acquis », rappelle Francqueville.
Dès lors, les changements peuvent être rapprochés. « S’il est possible d’intégrer les changements de pied au temps dès sept ans, ce sont les pré-requis plus que l’âge qui importent ». Galop, contre-galop et changements de pied de ferme à ferme dans la rectitude doivent impérativement être maitrisés.
« Le changement de pied isolé doit être bien installé avec une attention particulière au calme, à la rectitude, à l’équilibre, à la symétrie, au contrôle de la vitesse et à la qualité du contact. Ces qualités de base sont indispensables afin d’aborder dans le bon équilibre ce mouvement particulier ».
Durant l’apprentissage, veillez à ne pas blaser votre cheval en réitérant l’exercice à outrance. Inutile d’y octroyer un acharnement quotidien. Au contraire, revenez régulièrement aux quatre, trois et deux temps déjà maitrisés, de quoi regonfler la confiance en lui de votre partenaire.
« En abordant les temps, soyez vigilants. Préservez le calme et évitez l’overdose dont l’effet serait nocif », met en garde Francqueville. Progressivité, variété et sérénité sont vos meilleurs alliés.
« Si le cheval tend à s’angoisser, mettez cette leçon de coté et consacrez-vous à l’amélioration du changement de pied isolé. Souvent gourmands, les cavaliers risquent d’aller trop vite. Or, il est conseillé de prendre son temps dans l’éducation de ce mouvement. Entraînez sans exagérer. Développez les qualités nécessaires à la bonne réalisation. Il est plus important de travailler le contact, la rectitude du galop et la réponse aux jambes que de répéter à l’infini des lignes de changement de pied qui lassent le cheval. Ne négligez jamais la décontraction qui permet seule d’augmenter l’impulsion sans risque de raideur ».
Brabançon Mestre précise que même avec un cheval dressé, il est inutile de répéter ce mouvement tous les jours. « Je me contente parfois de trois ou quatre changements de pied au temps, simplement pour tester la réactivité et la rectitude . Pour réussir cet exercice, le galop doit au préalable être correctement rassemblé. Les postérieurs doivent rester rapide afin que les changements soient simultanément puissants derrière et expressifs devant ».
Changements de pied aux quatre, trois et deux temps doivent être parfaitement acquis avant d’aborder très progressivement les temps.
Dans l’absolu, l’exercice peut être appréhendé sur la ligne du quart, la piste, la diagonale et le cercle.
Choisissez une trajectoire connue et rassurante pour le cheval en formation par exemple le long du pare botte ou sur une piste intérieure. « Commencez dans la deuxième partie du manège et surtout arrêtez avant d’avoir à tourner sur le petit côté », suggère Alain Franqueville afin d’assurer un segment droit.
Sur la ligne du quart, commencez par une simple paire de deux changements de pied au temps. Répétez jusqu’à automatiser.
Une fois deux changements de pied au temps acquis depuis le galop à gauche - avec le premier changement vers la droite et le second vers la gauche - changez de main pour faire le contraire.
Il est possible qu’en sens inverse, cela ne fonctionne pas du premier coup. Pas de panique. Alain Franqueville se veut rassurant : « il arrive que le cheval s’affole un peu et sorte de la main. Faîtes en sorte qu’il ne s’inquiète pas, encouragez-le à garder son calme et à rester sur son axe ».
Progressivement, multipliez cet enchaînement sur une longueur. À terme, l’objectif est de réaliser deux changements de pied au temps avec seulement trois, deux puis une foulée de répit sans changer entre deux paires de changement.
Débutez ensuite les séries de trois changements de pied au temps en suivant le même cheminement.
« Lorsque j’aborde une succession de trois changements au temps, j’aime débuter depuis le galop à faux afin que le dernier changement remette le cheval à juste » détaille Barbançon Mestre.
Explorez les différentes options jusqu’à trouver la formule adaptée à votre cheval. La méthode varie sensiblement d’un cas à l’autre. Certains chevaux auront besoin de la mécanisation dynamique des changements de pied aux trois ou deux temps pour enclencher avec précision les temps. Le changement de compte les force alors à demeurer attentif à vos aides.
Tentez de faire une paire de changements de pied aux trois temps suivi d’une paire de changements de pied aux deux temps avant d’enchaîner directement sur deux changements de pied au temps.
Lorsqu’une série de cinq ou six changements au temps est installée, vous êtes prêt à vous déplacer sur la diagonale en veillant à ne pas commencer toujours au même endroit.
Soyez inventif afin d’éviter toute anticipation. « Démarrez parfois du pied gauche et parfois du pied droit. Demandez les changements après X afin d’être totalement maître du mouvement. N’hésitez pas à commencer occasionnellement du pied externe, depuis le contre-galop ».
Une fois le cheval confirmé, évoluer sur le cercle peut s’avérer utile pour apporter d’avantage de symétrie au geste en particulier si les changements n’ont pas la même expression des deux côtés.
Selon Francqueville « le travail sur les cercles permet d’améliorer le contrôle et la qualité des changements». Barbançon Mestre partage cette analyse. Elle estime que le cercle peut s’avérer utile si le cheval présente un côté plus difficile. « Si le changement vers la droite manque de fluidité, je dessine une courbe piste à main droite afin que le cheval trouve du confort à changer vers l’intérieur ».
S’il y a trois mots clés à retenir pour réussir vos changements de pied au temps : calme, rectitude, réactivité.
Francqueville rappelle que cheval doit débuter et arrêter les changements de pied au temps à la demande du cavalier. « Travaillez sur le démarrage des temps à une foulée précise. Le cavalier, concentré, fait le décompte de ses foulées avant d’enclencher le mouvement. Le cheval, attentif, réagit instantanément. Apprenez à votre cheval à conclure les temps à la demande. Pour cela, exagérez légèrement les aides d’un galop pour que le cheval ne reparte pas sur l’autre. Le cheval rajoute parfois des changements « pour faire plaisir » mais c’est une perte du contrôle qui peut coûter cher en épreuve ! »
Attention à bien choisir votre galop. Pour optimiser la rectitude, il est préférable de couvrir plus de terrain qu’au galop rassemblé, de gagner en amplitude. Paradoxalement, assurer des changements montants et expressifs demande de ne pas avancer avec excès. Envisagez de produire des variations d’allures à l’intérieur des changements de pied au temps. « Il faut à tout prix bannir les changements croupe haute, flottants ou courts derrière. Pour cela, il m’arrive de produire quelques changements de pied au temps au galop allongé », confie la cavalière franco-espagnole.
Evidemment la mise en main, la stabilité de la vitesse et du rythme sont également facteurs de succès dans les changements de pied au temps. Si la rectitude est un essentielle, l’activité et l’amplitude sont également indispensables à la qualité de l’exercice. Les deux experts s’accordent à miser sur le vieil adage « demander souvent, se contenter de peu et récompenser beaucoup » pour des changements de pied au temps réussis.
Pour le changement de pied isolé comme pour les temps, il est important d’avoir un cheval réactif à la jambe et particulièrement attentif à l’ensemble des aides.« Lorsque vous abordez les temps pour la première fois, n’hésitez pas à renforcer vos aides quitte à les exagérer manifestement », recommande Francqueville. Afin d’obtenir un maximum de calme sur un cheval dressé, diminuez au contraire l’intensité de votre demande.
Pour les temps, n’attendez pas que le cheval ait produit le premier changement pour demander le second et ainsi de suite. Attention au recul trop marqué de la jambe susceptible d’engendrer un retard dans la demande du changement suivant. Une fois les temps acquis, efforcez vous de diminuer l’intensité et le déplacement de vos mollets afin d’obtenir d’avantage de calme et de rectitude.
« Les russes enseignent au cheval à démarrer, à poursuivre seul et à stopper les temps sur un signal de fin comme s’ils enclenchaient puis interrompaient une allure à part ». La jeune cavalière tricolore sensibilise ses chevaux à l’action de son assiette. « Il ne faut surtout pas les déranger avec la main. L’action de mes jambes doit être discrète et rapide afin de canaliser le balancement des hanches ». L’objectif est d’empêcher le flottement latéral du cheval ainsi que le mouvement de son encolure de droite à gauche.
Vous souhaitez maintenant comprendre et éviter les fautes dans changements ? Direction notre Conseil de Juge n°30 : le changement de pied en l'air.