Pour Marie Emilie Bretenoux, cavalière internationale de dressage, le succès du compétiteur dépend de la qualité de sa préparation technique, de la logique de son organisation et de la force de son mental.
Troisième du Grand National 2015 sous les couleurs de l'écurie Kineton – Décovert Equestre, Marie-Emilie Bretenoux est une habituée des terrains de concours. A l'époque l'un des piliers de l'équipe de France juniors et jeunes cavaliers avec son cheval Fantomas, elle évolue aujourd'hui au niveau Grand Prix en selle sur Quartz of Jazz. Malgré ces années d'expérience, la cavalière de trente cinq ans admet n'avoir réalisé que récemment l'importance d'une bonne préparation mentale.
« Je ne prends conscience que maintenant de la nécessité d'apprendre à se connaître pour atteindre ses objectifs. C'est un cheminement difficile qui demande de la concentration mais un cavalier serein est plus à même d'affronter l'échéance. Ces derniers temps, mes résultats dans l'épreuve qualificative sont plutôt médiocres alors que ceux de la seconde reprise présentant moins d'enjeux sont meilleurs. J'ai eu du mal à l'admettre au départ mais je reconnais désormais que le stress est responsable de mes contre-performances. Pour gagner, il faut être capable de faire abstraction de l'environnement et d'oublier l'obligation de résultat».
En tant que préparateur mental, Johanna Hellborg enseigne au cavalier à réagir différemment aux stimuli extérieurs. Méditation de pleine conscience, hypnose, programmation neuro-linguistique et sophrologie sont intégrées à un travail personnalisé adapté à chaque cas particulier. « C’est comme si j'étais un éthologue pour humains ! », s'amuse Johanna qui constate le plus souvent des progrès après deux à trois séances.
« En six à dix séances, le résultat devient vraiment probant. Les circonstances vont rester les mêmes mais le sportif va apprendre à y réagir différemment selon un schéma de gestion optimale de son mental. Le mental doit être considéré comme un muscle au même titre que le reste du corps. Il faut s'exercer à se détendre par le biais d'exercices de relaxation et de visualisation. Nous sommes tous capables de reprendre les commandes de nos émotions ». Le stress peut entraver l’utilisation des ressources du sportif voire parfois le bloquer complètement. C'est le fameux trou noir, on ne sait plus où l'on est ni ce que l'on fait.
Cependant, il existe également un « bon » stress, un degré d'adrénaline permettant au corps et à l’esprit d'être alertes à l'approche de l'évènement. Le sportif pourra alors mobiliser toutes ses capacités physiques et mentales pour une échéance donnée, voire même se surpasser par rapport à son niveau habituel.
Johanna a remarqué que les générateurs de stress sont nombreux chez le cavalier. « Certains sont communs à tous les sportifs de toutes les disciplines, qu'ils soient amateurs ou professionnels. Qui dit compétition, dit comparaison avec d’autres sportifs et donc appréciation de valeur : le premier est meilleur que le second qui est meilleur que le troisième et le dernier est « le plus nul ». Cette étiquette que le sportif va se voir attribué en fin de compétition est source de stress. De la même manière, la peur de ne pas performer à pleine capacité, de décevoir un entourage (coach, famille, sponsors ...) sont aussi facteurs d'anxiété».
Marie-Emilie reconnait qu'il est indispensable d'être entouré par sa famille, ses amis mais également son staff pour pouvoir exprimer pleinement son potentiel. En effet, le succès du couple repose aussi sur l'implication de l'entraineur, du vétérinaire, du maréchal ferrant, de l'ostéopathe et du dentiste.
A la psychologue de nous mettre en garde « il est important de respecter le fonctionnement et les préférences du cavalier. Certains veulent être entourés et occupés avant l’épreuve, d’autres préfèrent s’isoler. C’est une discussion qu’il faut avoir tous ensemble en amont du concours pour éviter conflits et frustrations ».
Mère de famille, Marie-Emilie concède que le moral du compétiteur dépend également des conditions financières dans lesquelles il pratique son sport ainsi que de l'emploi du temps familial qui doit cohabiter harmonieusement avec le planning hippique.
Le cavalier ressent comme une obligation de résultat face à l'investissement financier et aux sacrifices faits par ses proches au profit de cette activité coûteuse et chronophage.
Pour Johanna, les accompagnateurs doivent rappeler que le résultat n'affectera en aucun cas la nature de la relation et exprimer leur soutien de manière positive. On optera pour « regarde vers le ciel dans ton galop allongé » plutôt que « ne te penches pas en avant » ou « respires avec tout ton corps » à la place de « ne te crispe pas ». L'utilisation de la négation risque de provoquer un sentiment de dévalorisation «je suis nul, je ne vais pas y arriver, je suis un bon à rien ». Ce dialogue interne négatif est susceptible de devenir une source de stress supplémentaire à laquelle vient se greffer le facteur cheval.
« Le cavalier est tributaire de la forme physique et mentale de son partenaire. Il sait que son stress est transmissible. C'est le début du cercle vicieux : on se met la pression pour ne pas stresser pour éviter de stresser son cheval ! » observe-t'elle. « Enfin, le cavalier souffre souvent du jugement inhérent à la discipline du dressage. Le fait d'être tributaire de l'opinion de quelqu'un d'extérieur, ici le juge, lui ôte le pouvoir de tout contrôler et l'angoisse encore d'avantage ».
La psychologue rappelle qu'il faut néanmoins résister à la tentation du fameux « ne stresse pas ». « La routine et l'organisation sont les meilleurs calmants ». Elle conseille de faire des listes, de noter les horaires, de trier logiquement ses affaires.
Pour Marie-Emilie, il s'agit de trouver ses marques. « Cela peut prendre un certain temps et plusieurs concours. Il faut petit à petit créer un rituel qui respecte sa propre sensibilité et celle du cheval. Par exemple, j'ai observé que Quartz a besoin d'être seul un moment après avoir été natté ».
Le cavalier doit se poser les bonnes questions pour progressivement mettre en place des habitudes.
Combien de temps me faut-il pour préparer mon cheval au boxe ? « Bien gérer son timing est essentiel pour réussir en concours. Il faut s'accorder un moment pour se concentrer sur soi et renforcer la complicité avec son cheval. Il ne s'agit pas que de brosser ou de seller mais bel est bien de se mettre sans sa bulle en se concentrant sur l'objectif».
Combien de temps faut-il le détendre avant la reprise ? « Personnellement, j'ai besoin d'une détente longue pour avoir le temps de me décontracter et de faire des pauses. Mieux vaut être en avance qu'en retard ! ».
A combien d'épreuves est-il capable de participer en un week end sans s'épuiser ou se dégoûter ? En concours, doit-il sortir plusieurs fois par jour ? « Même si vous optez pour une unique détente, il est primordial de marcher le cheval en main pour éviter les courbatures et pourquoi pas trouver un brin d'herbe pour lui changer les idées ».
Quel doit-être son programme d'entrainement la semaine précédent l'évènement ? Doit-il ou non voir la piste la veille de l'épreuve ? « De manière générale, il est préférable d'arriver un jour en avance pour laisser au cheval l'occasion de récupérer du transport et de s'acclimater au nouvel endroit ».
Johanna et Marie-Emilie s'accordent à dire que pour aborder paisiblement une compétition, le cavalier doit avant tout être prêt techniquement. Un planning d'entrainement adapté doit être mis en place quelles que soient les ambitions du couple.
« Entre les compétitions, j'essaye de rencontrer mon entraineur au minimum deux fois par semaine et à l'approche du concours, je favorise un stage intense de quelques jours. Je n'abuse jamais des enchainements de la reprise pour éviter que mon cheval anticipe. Je lui propose une gymnastique variée dans une attitude plus basse que celle demandée en épreuve. Avant d'engager, je déroule la reprise pour me familiariser avec le tracé » nous confie la cavalière de Quartz.
Johanna recommande de se mettre en conditions en imitant une détente de concours, de quoi estimer le minutage convenable et la meilleure feuille de route en préparation de l'épreuve. « L'idéal est de se filmer même s'il est parfois difficile d'être objectif en se regardant », remarque Marie-Emilie. « Cela a pourtant deux avantages : se rassurer en visualisant les progrès et cibler les imperfections en vue d'une amélioration. Analyser et comprendre ses erreurs est capital mais observer ses progrès l'est tout autant.». D'après Johanna, l'automatisation des gestes se voit nettement améliorée par le visionnage vidéo.
Pour conclure, Marie-Emilie appelle les cavaliers à se fixer des objectifs atteignables. « Dans un premier temps, il faut choisir une reprise facile. Cela permet de créer tranquillement un couple basé sur la confiance mutuelle. Ensuite, le programme se met en place en fonction de l'évolution du niveau. Au fur et à mesure, le cavalier deviendra de plus en plus exigeant sur la précision et la fluidité des enchaînements ».
Paradoxalement, la préparation ne s'arrête pas avec l'arrêt final de votre reprise. Cette cavalière de talent insiste sur l'importance de s'occuper de son cheval après la compétition. « Il faut bien le marcher et le choyer, le remercier de tout ce qu'il fait pour nous ! Ensuite, il faudra prendre le temps de visualiser la vidéo avec son coach et de débriefer sur la reprise pour tirer les bonnes conclusions en vue des concours suivants».
De son côté, Johanna tire également un bilan de chaque compétition avec les cavaliers qu'elle suit afin de constater les progrès déjà réalisés et ceux qui restent à venir.