Il faut remonter très loin dans l’histoire équestre pour revenir à la création de la bride. A l’époque, cette embouchure a été mise à disposition de la cavalerie dans l’optique de faciliter le contrôle du cheval d’une seule main, laissant libre la seconde pour maitriser les armes. Ce n’est que plus tard, à l’époque de La Guérinière, qu’elle se répand dans les manèges comme outil permettant d’affiner la communication entre le cavalier et son cheval.
Aujourd’hui, elle fait partie intégrante du paysage sportif et compétitif. Parfois strictement interdite, souvent autorisée et dans certains cas obligatoire, la bride n’est réservée qu’aux mains les plus expérimentées. Elle requiert en effet un degré remarquable d’habilité et de savoir-faire au risque d’agir de manière trop sévère sur la bouche du cheval.
Sur la scène nationale et internationale, la bride est imposée par les différents règlements fédéraux à certains niveaux d’épreuve. Toutes les reprises édictées par la Fédération Equestre Internationale imposent son utilisation exception faite des épreuves jeunes chevaux où elle est catégoriquement prohibée. Seule la préliminaire juniors et les épreuves réservées aux chevaux de sept ans tolèrent aussi bien la bride que le filet.
Néanmoins, son utilité, sa nécessité et sa légitimité sont de plus en plus souvent questionnées au sein de la communauté du dressage. Dans certains pays comme en Suède depuis 2015, il est autorisé de monter le Grand Prix en filet sur le circuit national. Cette norme n’est pas encore d’actualité en France ni auprès de la Fédération Equestre Internationale.
A priori, l’utilisation de la bride en dressage devrait rendre plus subtile et raffiné le degré de compréhension dans le couple. Cependant, il faut au préalable que le cheval ait atteint un certain degré de justesse dans son apprentissage en filet simple, qu’il soit capable de basculer du poids sur les hanches en se portant vers l’avant dans une bonne connexion de la tête aux pieds.
Léna Thouvenin, jeune cavalière professionnelle de vingt sept ans déjà deux fois sélectionnée pour le championnat du monde des jeunes chevaux avec son Diamondgio LTH DressValue, confirme. « Pour le cheval astreint au mors de bride sans préparation, c’est une contrainte lourde qui peut casser le moral de notre athlète et sans doute gâcher sa locomotion et son envie de se porter en avant en se livrant à son cavalier ».
Si une utilisation appropriée de la bride peut faciliter la recherche d’équilibre et de rassemblé, son introduction à un stade précoce de l’entrainement peut à contrario avoir des conséquences néfastes voire parfois irréversibles. « D’évidence, la transition à la bride est un passage particulier et presque « dangereux ». En effet, il est contraignant pour un cheval dont le travail de base aurait été négligé. Soumettre le cheval avec un mors de bride serait alors comparable à un exercice infligé à un danseur mal formé. Comment réaliser un grand-écart sans assouplissements et méthode progressive ? Le pauvre danseur court tout droit à une déchirure et il lui sera difficile d’exécuter l’exercice car son corps et son âme se souviendront de la douleur ».
Tensions et problèmes de contact peuvent rapidement survenir, c’est pourquoi il est préférable de consulter un professionnel qualifié avant d’incorporer l’utilisation de la bride à votre entrainement.
Seul un cavalier confirmé, avec une main juste, capable de dissocier les deux rênes et leur actions peut se voir confier la gestion d’une bride. « La bride me semble être l’outil subtile qui va ‘fignoler’ le travail de rassembler. Si un cavalier ne peut exécuter aucun des mouvements de haute école sans avoir recours à la bride je m’inquiète de ce qu’il aura vraiment consacré au travail de base », note Léna.
Il semble raisonnable d’attendre l’âge de six ou sept ans pour présenter la bride au cheval afin de veiller à ne pas agir prématurément sur un corps et donc une mâchoire en pleine croissance. À Léna d’acquiescer « on attend en effet de notre partenaire équin une participation active et de la joie dans l’exécution. Aussi, pas de bride avant que le cheval ne soit droit, sur la main en filet, dans l’impulsion conformément à ce que nous indique l’échelle de progression. Alors sans doute faut-il commencer à mettre la bride avec parcimonie vers l’âge de six ans, durant l’hiver pour que ce travail soit routiné dès lors que le cheval aura l’âge d’aborder le Saint Georges vers sept ou huit ans ».
Il est néanmoins indispensable de prendre chaque cheval au cas par cas et d’adapter sa pratique au stade de dressage. « Je pense que cette étape doit être franchie avec un coach d’expérience qui saura ajuster le mors de bride et qui inculquera au cheval, à pied, à quoi sert ce nouveau mors. Accompagné par un coach habile qui cède à l’esquisse même d’une réponse positive, le cheval comprend vite son usage. Ce dernier doit intégrer que la bride est une indication, une aide et non pas un engin de torture qui risquerait de lui faire peur et pourrait ainsi l’encourager à s’acculer, s’enfermer, rétrécir son bout de devant, casser son encolure à la troisième vertèbre et travailler en résistance, autant de réactions incompatibles avec la notion de légèreté que nous recherchons tous ».
La subtilité est de ne jamais abuser de la bride dans l’optique de contraindre le cheval à adopter une certaine position. Une action trop dure de la bride est susceptible d’entacher sa confiance dans la main du cavalier. Cette embouchure, utilisée à outrance, risque d’inciter le cheval à se recroqueviller « derrière la main », lâchant le contact en perdant la connexion nécessaire à l’engagement correct des postérieurs et au fonctionnement « juste » qui en découle.
Trompeuse, cette impression de légèreté est erronée. Il est au contraire indispensable de maintenir un certain contact avec la bouche du cheval, aussi léger soit-il. « Si au contraire le cheval sort de la main, s’il s’appuie ou s’il est instable, le cavalier utilisant la bride n’est pas sur la voie du haut degré de rassembler dans la légèreté. Il faut alors bannir la bride pour un temps et revenir au travail de basse école en examinant avec soin la correction des allures, la décontraction (confiance), la qualité du contact (connexion homme-cheval) et ce dans la propulsion (vitesse/cadence) mais aussi la rectitude (le plus dur !) pour re-conditionner le cheval dans une dynamique positive qui conduit au ressembler », explique Léna.
La bride est un instrument à utiliser avec modération. Il faut éviter de tomber dans le piège d’une utilisation quotidienne qui risquerait d’en faire perdre le bénéfice et de masquer certaines imperfections plus facilement décelables en filet. Constamment monté en bride, le cheval risque de se durcir dans la bouche, le retour au filet simple devenant alors de plus en plus difficile. « La bride ne doit pas être un recours du quotidien », prévient Léna. « Il est bon d’alterner et de vérifier que nous ne nous trompons pas sur l’intensité de l’aide que procure la bride. Il faut revenir au filet simple et vérifier que le cheval est toujours confiant sur la main. On devrait même constater un progrès quant à sa perméabilité ».
L’évolution de la discipline mais aussi celle de l’élevage pourrait nous encourager dans les années à venir à questionner l’intérêt de la bride en compétition. « On produit maintenant des chevaux bien orientés, légers, taillés sport, actifs et faits en montant. C’est beaucoup plus simple que ce que nous pouvions voir il y a encore quelque temps : chevaux emboutis, enfermés, contraints et lourds sur la main, lents dans les postérieurs » constate Léna. « La conformation des chevaux modernes facilite grandement le travail rassemblé du piaffer, du passage et des pirouettes. Je serais ravie de pouvoir monter un jour le Grand Prix en filet ».
Comme beaucoup d’entre nous, la jeune cavalière s’interroge quant à l’avenir de la bride. Faut-il l’imposer, la proposer, l’exclure des programmes ? Jusqu’ici obligatoire au plus haut niveau de compétition non seulement dans le but d’aiguiser les aides du cavalier mais également en vue de tester la soumission du cheval au mors, le changement de philosophie aurait tendance à favoriser une adaptation des pratiques. En effet, la discipline du dressage tant à devenir moins question de domptage de l’animal que de coopération dans le couple formé entre le cavalier et son partenaire cheval.
À la différence du filet, le bride est composée de deux mors dont l’action est différente voire même opposée. D’une part, le mors de filet qui agit plutôt comme « releveur » et d’autre part le mors de bride considéré comme « abaisseur ».
Le premier peut être de plusieurs sortes : à olive, à double brisure, baucher… La pression qu’il exerce sur la commissure des lèvres encourage l’élévation de l’encolure et son incurvation. Le mors de bride peut lui aussi être de formes multiples (L’Hotte, droit, à pompe…). Il applique une pression sur les barres et la langue. Son effet est d’avantage longitudinal, refermant l’angle tête/encolure en rapprochant l’attitude du cheval de la verticale.
La gourmette s’ajuste plus ou moins modulant l’effet des bras de leviers du mors. Un angle de quarante cinq degrés entre la bouche du cheval et les branches du mors est communément recommandé. Plus serrée, avec un angle moindre, la gourmette rendra l’embouchure trop sévère.
Dans sa thèse datant de 2003, Valérie Delavenna diplômée de l’École Nationale Vétérinaire de Lyon confirme que « le mors de bride agit sur la langue mais aussi par son appui sur les barres. Ce dernier point d’appui osseux implique une action sur des bras de levier articulaires […]. La première articulation sur laquelle ces mors agissent est l’articulation temporo-mandibulaire (ATM). La mandibule est le bras de levier ».
L’action du mors se traduit également par une pression de la têtière sur la nuque, l’effet abaisseur appliquant une contrainte sur l’articulation C0-C1.