Besoin d'aide ?

Technique Dressage : le piaffer

26/12/2017
Technique Dressage : le piaffer

Le piaffer décortiqué par le suédois Patrik Kittel : quand l'intégrer à l'entraînement et comment l'enseigner à son cheval ?

Grand Prix magazine a publié début 2017 un article écrit par Camille sur le piaffer. Retrouvez-le ici.    

 

Le piaffer est l’un des mouvements les plus complexes de l’art du dressage. C’est pourquoi il n’est introduit qu’au plus haut niveau de compétition : le Grand Prix. Pourtant, le cavalier olympique suédois Patrik Kittel estime que « tous les chevaux peuvent apprendre à piaffer » même s’il admet que « peu d’entre eux le font vraiment bien ».

Le piaffer nécessite non seulement toute l’énergie mais aussi toute la confiance et la générosité du cheval. L’adage du maitre portugais Nuno Oliveira semble encore d’actualité : « placez et laissez faire ».

Le cavalier doit amener son cheval dans les conditions propices à la création du piaffer puis le laisser agir avec un maximum d’indépendance afin d’obtenir un résultat naturel, décontracté et harmonieux.

Calme et patience sont deux éléments indispensables pour aborder ce mouvement en respectant plus que jamais la parole de François Baucher « demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup ».    

 

Le piaffer est l’illustration parfaite du rassemblé

 

Il est décrit dans le règlement général de la Fédération Equestre Internationale comme une allure cadencée avec une élévation diagonale donnant l’impression que le cheval reste sur place.

Souplesse et élasticité du dos, jarrets actifs et pliés sous la masse, légèreté des épaules et de l’avant main en sont les caractéristiques principales. Les antérieurs devraient s’élever à mi canon et les postérieurs à mi boulet avec une bonne flexion des articulations. L’encolure doit être arrondie avec la nuque le point le plus haut, le cheval sur la main avec un contact moelleux. L’équilibre dans le piaffer doit être exemplaire, l’impulsion dynamique.

Malgré l’illusion d’un mouvement sur place, le cheval doit manifester une volonté à aller vers l’avant, prêt à ressortir. A tout moment, le cheval doit pouvoir avancer dans le trot ou au contraire s’arrêter voire reculer en réponse à une perte d’activité ou à l’inverse un déficit de maintien sur place.    

« Je sais qu’un cheval est doué pour le piaffer s’il est énergique et manifeste une envie de bien faire à l’entrainement », nous confie Kittel, treizième du classement mondial.

« Pour aborder le piaffer, je dois m’assurer que son corps est assez musclé pour produire l’effort nécessaire et qu’il réagit avec rapidité dans ses postérieurs. Il doit faire preuve d’aisance dans le rassemblé et d’une grande capacité à prendre du poids sur les hanches ». 

 

Les prémices du piaffer se trouvent dans le pas rassemblé.

 

Le cheval doit être capable de marcher à pas comptés, produisant ce que l’on appelle communément des demi pas. Arrêts, reculés, demi pirouettes permettent d’éveiller son attention, d’attiser sa réactivité. L’objectif est d’améliorer l’activité de ses postérieurs et sa prise de poids sur les hanches. La multiplication de transitions brèves entre le trot et le pas puis le trot et l’arrêt permet de se rapprocher progressivement du but, diminuant la taille des foulées tout en augmentant la vitesse derrière.

En ce sens, l’enseignement du piaffer commence dès le plus jeune âge. « Si je sens que le cheval est prêt, il m’arrive de commencer à tester son aptitude au piaffer dès l’âge de quatre ans », explique le suédois. « Le fait de commencer tôt donne le temps au cheval de découvrir l’exercice et de développer la force indispensable à sa réalisation. Le tout est de ne pas en abuser, de jouer avec l’exercice de manière brève et de ne pas le répéter trop souvent ».  

 

Afin de faciliter l’apprentissage, il n’est pas rare d’appréhender le piaffer pour la première fois en main.

 

Le cheval, déchargé du poids de son cavalier, mobilise son corps en toute liberté, fléchissant son rein avec d’avantage d’aisance. « Généralement, j’aborde le piaffer en main ou aux longues rênes », décrit Patrik Kittel. « J’accompagne le cheval avec des appels de langue qui lui donnent le tempo. Vous pouvez essayer de le tapoter gentiment avec la badine afin d’observer sa réaction ».

En effet, l’action mesurée et ponctuelle de la cravache peut guider le cheval vers le rythme escompté. Elle ne doit en aucun cas être employée de manière punitive mais plutôt à des fins de métronome. Comme Oliveira en son temps, Kittel encourage vivement le cavalier à employer le renforcement positif. « Lorsqu’il répond de manière affirmative, récompensez votre cheval avec un sucre ».    

 « Durant l’apprentissage, j’aborde le piaffer un peu chaque jour mais durant un laps de temps court. Lorsque j’obtiens une réaction satisfaisante, je cesse l’exercice ». La gourmandise étant un vilain défaut, le cavalier doit accepter d’avancer vers le piaffer pas à pas en ne brulant aucune étape dans l’espoir d’obtenir un résultat instantané. « Je ne piaffe pas tous les jours avec tous mes chevaux déjà dressés. Tout dépend de leur personnalité. Ceci étant dit, c’est incroyable à quel point un cheval peut progresser dans le piaffer avec du temps et de l’entrainement ».

Il n’est pas impossible de rencontrer quelques désagréments dans la répétition du piaffer. Il est essentiel de pouvoir y palier en reconstruisant progressivement la complicité cavalier/cheval.

« Face à un cheval nerveux à l’abord du piaffer, plusieurs options s’offrent au cavalier »

explique Kittel.

« Il peut tenter de piaffer moins sur place afin de rendre l’exercice plus facile. Il peut repasser au pas, prendre une pause. Dans certains cas, il faudra même envisager de ne plus piaffer du tout pendant plusieurs semaines, le temps que le cheval se vide la tête. En vérité, tout dépend du cheval. Le cavalier devra réfléchir à une solution individualisée pour chaque cas particulier ».     

L’importance du piaffer n’a fait qu’accroitre depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle notation et l’amélioration de l’élevage. La qualité des chevaux de haut niveau ne cesse de progresser et c’est bien leur aptitude au rassemblé qui permet de les départager tout en haut du classement. « Il est de plus en plus difficile d’être compétitif avec un cheval qui ne piaffe pas très bien », conclut Kittel. « Bien sur, si tous les autres mouvements sont impeccables, on peut rester dans le coup mais pour gagner les Jeux Olympiques, il faut être excellent partout, n’avoir aucune faille ».     

  

L’exercice favoris de Patrik Kittel :

 

« Depuis le trot, demandez deux ou trois foulées de piaffer, puis repartez au trot. Répétez l’exercice plusieurs fois d’affilée ».    

 

Les aides de Patrik Kittel :

 

« Il n’y a pas de recette miracle. A chaque cheval sa formule magique mais à priori, j’alterne l’action de mes jambes un peu reculées, droite puis gauche, en rythme avec le cheval. Si cela n’est pas efficace, j’essaye de ne pas mettre de jambes du tout, ou le moins possible. Si une façon de demander en particulier ne fonctionne pas, pas de panique, essayez autre chose. Vous finirez par trouver les aides les mieux adaptées à votre cheval ».  

 

Le conseil de Patrik Kittel :

 

« Je ne répète pas tous les jours le piaffer comme il se présente dans le Grand Prix. Evidemment, à l’abord d’une compétition je vais m’assurer de maitriser l’enchaînement de la reprise. En temps normal, je piaffe sur une durée assez courte et repasse régulièrement au pas. Cela me permet de vérifier que je dispose à souhait des boutons on et off ».    

 

La notation

 

La Fédération Equestre Internationale a affiné en 2013 ses recommendations quant à l’appréciation du piaffer qui compte désormais un coefficient deux. La note du piaffer est à dissocier de celle de la transition depuis et vers le passage ainsi que du passage en lui même.

Ainsi, seront comptabilisées comme fautes dans le piaffer les différents problèmes de rythme susceptibles de survenir dans ce mouvement : absence de diagonalisation, pieds joints ou foulées asymétriques.

Ces irrégularités devraient toutes être sanctionnées par une note inférieure à 5 selon Ghislain Fouarge, ancien Juge Général à l’initiative de ce document officiel. Si le cheval part au galop ou tombe dans le pas, la note ne pourra excéder le 3.  

D’autre part, une avance de plus d’un mètre dans le piaffer ne pourra obtenir une note supérieure à 5 puisqu’il s’agit là plutôt de demi-pas. Même punition si le cheval a tendance à reculer dans le mouvement.

La note sera identique si le cheval piaffe la croupe haute ou sans prendre de poids sur les hanches. De la même manière, un cheval qui croise ou au contraire écarte ses antérieurs ou postérieurs sera pénalisé. Idem si la rectitude est insuffisante.    

Dans le Grand Prix, le protocole précise qu’il faut produire douze à quinze foulées de piaffer. Dans le cas d’un piaffer de grande qualité mais avec un nombre de foulées insuffisant, la notation devra être proportionnellement diminuée.

Pour sept ou huit foulées seulement, la note devra être baissée de deux points par rapport à la note initialement envisagée (elle peut donc hypothétiquement encore être de 8 si la qualité du piaffer mériterait un 10). S’il y a moins de cinq foulées, le juge ne pourra attribuer plus de 3.


Le sujet du piaffer vous intérêsse ? Notre article Conseil de Juge n°39 : la préparation du piaffer va vous intéresser !